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Photo du rédacteurAPPROCHE GLOBALE AUTISME

TEMOIGNAGE DU PARCOURS DE SOINS

Bonjour


Je remercie chaleureusement Elrina O' Brien pour sa confiance en m'autorisant à partager son témoignage.

Il est IMPORTANT de savoir ce que vit une personne autiste dans son parcours de soins.

Il est IMPORTANT que les médecins, soignants sachent ce que vit une personne autiste.

Il est IMPORTANT qu'il y ai plus de sensibilisations et de formations pour le personnel soignant.

Le parcours de soins des personnes concernées est un vrai parcours du combattant.


Voici la page Facebook d'Elrina : D'images et de mots | Facebook


Son récit :

PARLONS AUTISME


Aujourd'hui, repartons dans la bonne humeur et l'allégresse en parlant hôpital ! Oui, ceci est de l'ironie, parce que, et bien que cela ait le pouvoir de me surprendre à chaque fois, on persiste à avoir un souci de traitement des autistes en France, en 2022, dans le milieu médical.


L'histoire commence donc un dimanche soir, par une Elrina (c'est moi, ça!) plutôt patraque pour le dire gentiment. Quand je dis plutôt patraque, vous pouvez comprendre que je me suis demandé un temps si je n'étais pas en train de vivre la fin d'une pas si longue vie avec pour dernières paroles à mon chéri " aïe". Pas très réjouissant et, finalement, nous décidons d'aller aux urgences.

Sur place, première interaction humaine, une personne (dont je ne saurais dire le titre, mais une personne en blouse, donc je suppose un membre de l'hôpital, sinon c'est un passant en blouse, ça arrive mais ce ne serait pas de chance) m'invite à patienter, dehors et debout dans le froid. Je sais que ça n'a rien à voir avec l'autisme et que n'importe qui dans mon état aurait été inconfortable à cette idée, mais c'était déjà l'introduction et ce n'est sans doute pas par hasard, car ça dit deux choses : déjà, que je n'avais pas "la tête de mon état". Ensuite, que je n'ai pas demandé.


La même personne m'annonce que je vais entrer et que mon conjoint ne peut pas venir avec moi. Il faut comprendre que j'ai 35 ans mais dans ce genre de situation, j'ai plutôt l'air dans avoir 3. ça m'a déjà joué des tours au cours de ma vie, de ne pas savoir m'exprimer en situation de stress et donc de ne pas recevoir les soins nécessaires. Le sachant, mon chéri est donc toujours à mes côtés quand il le faut. Dans ces cas-là, et c'est ce qu'il a fait, il explique que je suis autiste et que je ne vais pas savoir gérer seule. Mais par contre, c'est la première fois que ça m'arrive, la réponse a été "autiste quoi ?"

Avec du recul, c'est très drôle, et il y aurait pu avoir plein de réponses amusantes du type "autiste terrestre" ou "autiste collie, j'adore les moutons", mais sur le moment, et heureusement que mon cher et tendre est un malin, il n'y avait qu'une bonne réponse : autiste asperger ! Je n'étais pas en état de réagir, mais j'étais quand me^me à deux doigts, la fatigue aidant, de lui faire une conférence sur le parking pour lui expliquer que le terme autiste Asperger n'est plus utilisé dans le milieu médical depuis presque 10 ans, pourquoi il est obsolète et lui demander au passage en quoi le fait d'être autiste d'un type ou d'un autre allait influer sur sa décision, ou pas, que mon aidant m'accompagne ! Et si vous me connaissez, vous le savez, quand on me lance à parler on a du mal à m'arrêter. Cela dit, elle a répondu très vite et nous sommes entrés, chéri et moi, dans l'hôpital.


Comme systématiquement, il y a une façon différente de s'adresser à un patient que l'on sait autiste ou pas. Je ne sais pas si c'est un réflexe, mais c'est très perturbant. Les intonations changent, le rythme, même la voix est modulée pour atteindre des tons plus doux et un peu plus aigus. En un mot comme en cent, les gens se sont mis à me parler avec la voix que je réserve à des rencontres canines. Ayant une haute opinion des chiens, je ne peux pas être entièrement gênée que l'on s'adresse à moi comme si j'en étais un, et pourtant, vous comprendrez je l'espère que c'est problématique. Cela montre, finalement, une association reflexe dans le cerveau de mes interlocuteurs : autiste = moins (moins intelligent, moins rapide...). Quand on me parle comme si j'étais un peu sotte, mon dieu comme j'ai envie de poser des questions de neurosciences assez pointues pour créer un bug dans la matrice des idées reçues ! Bon, j'ai été sage, et j'ai suivit les consignes.


Pendant que mon conjoint s'occupait de la paperasse, on m'a installée dans un lit, et là encore, le déficit de connaissance de l'autisme des soignants était flagrant. Pour remettre dans le contexte, gérer la douleur demande de l'énergie, et cette énergie, cette concentration finalement, il faut bien la prendre quelque part. Chez moi et chez d'ailleurs la plupart des autistes, on va donc utiliser l'énergie insoupçonnable que l'on met habituellement dans le masque social et dans l'adaptation sociétale. En d'autres termes, on cesse de se donner l'air normal !

Résultat, en cas de douleur, je ne suis plus en état de réfléchir à ce que l'on me demande et j'obtempère de façon scrupuleuse. Sauf que, vous l'aurez peut-être remarqué, mais les consignes des médecins sont rarement précises. On pourrait croire pourtant que d'avoir demandé explicitement "autiste quoi ? " allait rendre les gens plus attentifs au fait que j'ai besoin de consignes claires. Voir, on peut rêver, que mon sensoriel est atypique. Ha... oui, on peut le croire, ça ne coûte rien qu'un peu de désillusion à la fin. La personne m'a donc dit "installez-vous". Vous savez-vous, ce que ça veut dire, installez-vous ? Je me mets sur une chaise ? Sur le lit ? J'enlève mes chaussures ? Je pose mon sac ? J'ai donc fait de mon mieux et je suis restée parfaitement immobile jusqu'à ce qu'il me dise "vous pouvez vous mettre sur le lit", ce qui était déjà plus clair, et on a continué ensuite avec le découpage des consignes une par une jusqu'à ce que je soi finalement "installée" comme il l'avait prévu. Peut-être qu'à ce moment précis mon comportement a confirmé, dans la tête de ce soignant, l'idée que j'étais un peu stupide. C'est dommage, parce que de mon point de vue, ce qui est sot, ce n'est ni lui ni moi, mais le fait de ne pas adapter son language à son interlocuteur.


Je vous épargne le détail du séjour, mais il s'est avéré que j'avais besoin d'une prise de sang artérielle. Pour les néophytes, c'est une prise de sang qui se réalise dans le poignet. Pour les double-néophytes, ça fait mal. Pour les triples néophytes, quand l'infirmier ne trouve pas et cherche avec l'aiguille à l'intérieur, on aimerait que ce soit le poignet de quelqu'un d'autre (quelqu'un qu'on n'aime pas). Surtout quand on est le genre de personne à ne pas supporter les échardes parce que "y'a un truc dans ma peau qui n'est pas sensé y être". Bref, le monsieur était donc là à chercher, moi à dérouiller, et il a eu cette question mystérieuse mais tant aimée des allistes : "ça va ?"

En temps normal, j'arrive à gérer cette question. Je prends le temps de réfléchir au contexte où elle est posée, à mon lien avec la personne qui la pose, et j'arrive à en déduire si elle est uste un terme de politesse conventionnelle, ou si il s'agit d'une question orientée pour connaître mon état physique et ou morale sur une situation précise. En temps normal, donc, je gère le "ça va" avec brio. Là,non. J'ai donc demandé précision, et je crois que l'infirmier n'avait jamais vu quelqu'un lui demander "c'est à dire ? " quand il demandait "ça va". Sauf que, peut-être l'ai-je stressé aussi, sa précision a été moins précise s'il en est, il m'a demandé "ben... comment vous vous sentez ?". Un petit comique aurait répondu "avec le nez", moi j'avais juste une difficulté incroyable à me concentrer sur sa question pour trouver la réponse attendue. Heureusement, super chéri était là (ce n'est aps par hasard qu'on insiste!) et il a reformulé en version autiste : est-ce que la prise de sang est douloureuse. Soit dit au passage, cette question est très étrange, parce que je suis toujours persuadée que ça se voit, quand j'ai mal, et je suis perpétuellement surprise de constater que non. l'infirmier a donc changé de poignets, le second a été moins récalcitrant.


Est venu le moment fatidique d'évaluer ma douleur de zéro à dix et, je cite "zéro étant vous n'avez pas mal et dix étant une jambe amputée". Cette question me laisse toujours très perplexe. Déjà, parce que je ne sais pas ce que c'est "zéro". Mon corps est toujours douloureux d'une façon ou d'une autre, je démarre donc mon échelle à un zéro qui n'en est pas un car je ne peux pas m'imaginer l'absence de douleur. Mais en plus, franchement, qui part du principe qu'une jambe amputée est le plus douloureux ? Quand il m'a dit ça ce monsieur, je me suis demandé ce qu'il voulait dire. Car selon moi, tout dépend de la façon dont la jambe a été amputée, le cerveau peut aussi bloquer la douleur, certaines petites blessures sont plus douloureuses que des grandes. Et d'ailleurs, ça veut dire quoi "plus douloureux", car il y a tellement de types de douleurs, on a le droit de les comparer entre elles ? Bref, j'ai appris avec le temps que cette question a surtout pour but principal de jauger si la douleur évolue dans le temps. Donc je me suis fait ma propre petite échelle. Mais là visiblement, ça n'allait pas, car quand j'ai donné mon chiffre, l'infirmier m'a dit "mais vous avez mal, là non ?". A priori, il était attendu vu mon état que je donne un chiffre plus élevé, zut, encore raté ! Mon chéri a juste dit que je sous-notait souvent ma douleur et on en est resté là.


Voilà. Je sais bien que les soignants font ce qu'ils peuvent et sont débordés. Ceux-là ont été adorables, ils m'ont expliqué chaque geste, toujours prévenue avant de faire quelque chose et je sais bien que les maladresses que je décris ne sont pas dues à de la villainie de leur part, mais bien à une profonde méconnaissance de l'autisme.

Pourtant, force est de constater que, s'il est déjà désagréable d'être à l'hôpital de base (on y va rarement par plaisir à mon avis), y être en tant que patient autiste est une double peine.

Nous avons explicitement dit que j'étais autiste, et la seule adaptation qui a été faite, c'est d'autoriser la présence de mon conjoint (parfait), et me parler comme si j'avais trois ans (pas parfait). S'inquiéter de mon rapport au sensoriel (le fait que j'allais être touchée par plein de mains, la lumière épouvantable, les bips d'une machine pas sensée bipper et la chasse d'eau en panne qui coulait non stop, les parfums des soignants, des produits etc), mes atypies de santé (ma propension à faire des malaises pour rien et par contre à retrouver ma tension de jeune-fille en trois secondes, ma température de base en dessous de la norme, mon hypersensibilité médicamenteuse etc), tout cela a été ignoré. Parce que les soignants ne savaient PAS ce qu'est l'autisme, ce qu'il implique en vrai. Ils m'ont donc traitée comme un patient lambda. Et vous savez, une petite voix dans ma tête n'a cessé de me murmurer "15 ans". quinze ans, c'est la réduction de l'espérance de vie des personnes autistes, en grande partie due au fait que le monde médical ne nous connaît pas et donc ne parvient aps à nous traiter. Voilà. J'ai la chance inouïe d'avoir un conjoint disponible, aidant, informé. Mais pour les autres ?


Je pense à toutes les personnes autistes qui ont ou auront à faire un tour à l'hôpital .

Je vais partager ce témoignage à mes collègues et j'espère que toute personne impliquée dans le médical, lira un jour ce témoignage .





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